La grande puanteur - Cetro

Londres, été 1858.
Une canicule sans précédent écrase la ville. La Tamise, dont le débit se réduit dramatiquement, ne parvient plus à évacuer l'abondance de rejets des trop nombreux habitants.
En résulte ce que les Londoniens ont nommé "The Great Stink"; une odeur épouvantable envahit toute la ville. Nombre de métiers de circonstances trouvent leur origine dans cet épisode peu reluisant.
La morale décadente,  aussi nauséabonde que l'atmosphère, engendre de son côté des activités délétères.
Comme dans tous les épisodes sombres de l'Histoire, de cette fange immonde naitront aussi des monstres.


La lecture

J'avais placé beaucoup d'attentes dans ce roman. Sans doute trop. L'époque, l'ambiance, les thèmes promettaient un cocktail qui combinerait tous mes goûts. Et au début, j'étais en effet prête à me laisser convaincre. Alors, pourquoi ce revirement soudain ? Et bien, encore une fois, à cause de l'écriture.
Pourtant, j'ai du mal à ne pas reconnaitre que ça se lit vite et bien, mais le ton trop moderne a fini par m'agacer. Ainsi que le caractère un peu forcé et artificiel de l'écriture. On sent le travail en amont pour soigner le vocabulaire, créer des expressions non convenues, etc comme le préconisent tous les manuels d'écriture en vogue. Avec pour conséquence que la vraie voix des personnages s'efface derrière la fabrication de l'auteur. C'est bien écrit et il y a indéniablement un gros travail sur le style, mais j'ai trouvé que le ton ne convenait pas à un gamin des rues de 13 ans. J'ai aussi du aller chercher deux mots au dictionnaire. Il s'agissait en fait de mots d'origine occitane. Je me demande pourquoi ils ont choisi de venir se perdre dans le Londres victorien...
Ce qui m'a également dérangée, c'est l'emploi d'un parler très moderne. Certains aimeront, mais, avec moi, ça fonctionne rarement. J'ai aussi tiqué à l'une ou l'autre intervention directe de l'auteur dans son texte, dont une sorte de "private joke" qui m'a définitivement sortie du récit. Heureusement que c'était presque la fin...
Fin que j'ai en revanche bien aimée.
Venons-en d'ailleurs à l'histoire.
Les ambiances sont très bien rendues et certains passages font vraiment froid dans le dos. J'ai bien aimé l'histoire d'amitié entre les deux garçons. Pour un temps, on a l'impression qu'il ne se passe pas grand chose, mais la lecture avance tout de même bien. Puis, après un événement majeur, l'histoire fait un bond dans le temps. Et j'ai trouvé cette dernière partie bien plus passionnante, mais malheureusement un peu précipitée en regard de tout le reste. L'auteur voulait nous amener là, mais j'aurais aimé qu'il nous y laisse plus de temps après nous avoir baladé pendant des pages.
Je vais sans doute paraitre ingrate et difficile avec ces commentaires. Le livre a de très bons retours, donc il a déjà trouvé son public. Je pensais pouvoir en faire partie.

Extrait

Pour tout dire, j'aimais notre vie telle qu'elle était. J'aurais probablement étouffé d'avoir à suivre des règles, d'être contraint d'agir selon des normes sociales et/ou religieuses établies sans que notre assentiment soit requis.
Ouais, on était pauvres selon des considérations  purement comparatives, on ne possédait rien et on vivait au jour le jour, sans trop savoir de quoi les lendemains seraient faits.
Tout ça était vrai, et pourtant, j'aurais pas voulu d'une vie autre que celle qui me liait à Jack, je me serais pas vu vivre dans un palais en son absence, manger sans lui les mets les plus raffinés, ni être aimé en le sachant ailleurs.
Parce que si on était propriétaires que d'une jolie sommes de riens, on possédait quand même l'essentiel, ce qui était pas loin de tout, on était libres et deux.
Ouais, deux, toujours, quoi qu'il arrive, comme les fesses d'un même cul, qui supportent ensemble les plus lourds fardeaux et se redressent d'un même élan.
Et tant qu'on se trouvait ensemble, le monde entier s'étalait à nos pieds, on le foulait avec des pieds de nouveaux-nés avides de découvertes, on le bouffait même s'il n'était pas toujours tendre.
On n'avait pas vraiment de chez nous, parce qu'on était partout chez nous.


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