Le chant d'Achille, Madeline Miller

Ce ne sont encore que des enfants : Patrocle est aussi chétif et maladroit qu'Achille est solaire, puissant, promis à la gloire des immortels. Mais, grandissant côte à côte, un lien se tisse entre ces deux êtres si dissemblables.
Quand, à l'appel du roi Agamemnon, les jeunes princes se joignent au siège de Troie, la sagesse de l'un et la colère de l'autre pourraient bien faire dévier le cours de la guerre...Au risque de faire mentir l'Olympe et ses oracles.

La lecture

Un peu d'amour dans ce monde de brutes...Cela pourrait résumer à merveille ce roman qui fût ma lecture spéciale pour la Saint Valentin. Il m'a attirée à la base pour le côté mythologique évidemment, mais aussi parce que j'affectionne beaucoup les histoires d'amitié, parfois un peu ambiguës. J'ai également trouvé très intéressant de se concentrer sur le point de vue d'un personnage moins connu de la guerre de Troie. Il faut dire qu'à l'école on nous ressert toujours Ulysse et l'épisode du cheval. Passionnant, certes, mais peu original. Et ce qui m'intéresse dans les récits de guerres, ce ne sont pas les héros et leurs hauts faits, ni les tactiques et les combats. C'est plutôt les petites histoires de l'ombre et le ressenti des personnages.
Ici, on a bien entendu de la baston en arrière plan, du sang qui gicle et des membres qui s'éparpillent, mais la guerre on la vit au travers des yeux de Patrocle qui participe peu aux combats et n'espère qu'une seule chose de tout son coeur : qu'Achille survive le plus longtemps possible, qu'il puisse tromper le destin pour être éternellement à ses côtés.
C'est assez émouvant de suivre les aventures de deux jeunes gens, amis et amants, propulsés malgré eux au milieu d'une guerre insensée et interminable.
J'ai d'ailleurs versé ma petite larme à la dernière page. J'aime les histoires d'amour qui finissent mal, mais bien quand même !
J'ai vraiment passé un excellent moment avec eux sous le soleil antique. L'écriture est très simple, douce ou implacable quand il le faut.
Il faut toutefois bien accepter de se plonger dans un récit mythologique avec ce qui pourrait paraitre incohérent à nos yeux de mortels contemporains (les interventions divines dont personne ne s'étonne, par exemple). L'auteur parvient en effet à parfaitement transmettre cette atmosphère propre aux épopées antiques, tout en gardant une écriture moderne. C'est vraiment très plaisant à lire, et je pense d'ailleurs me procurer le roman qu'elle a écrit sur Circé.

L'extrait

- Elle [Thétis] pense...qu'en tant que mortel, Patrocle n'est pas digne d'être mon compagnon.

- Et toi, l'en crois-tu digne ? demanda Chiron, impassible.

- Oui.

Mes joues se réchauffèrent encore. Achille avait lancé cette réponse avec assurance, les mâchoires serrées. 

- Je vois, fit le centaure avant de se tourner vers moi. Et toi, Patrocle, considères-tu que tu le mérites ?

- Je ne sais pas si je le mérite, mais j'aimerais rester, dis-je, la bouche sèche, avant de déglutir et d'ajouter : s'il te plaît.

Au bout de quelques secondes de silence, Chiron se prononça :
- Quand je vous ai amenés ici tous les deux, je n'avais encore rien décidé. Pour Thétis, il y a toujours beaucoup de problèmes. Certains existent, d'autres pas.

Sa voix était redevenue indéchiffrable. Espoir et désespoir se déchainèrent successivement en moi.

- Elle est jeune aussi, et encombrée de préjugés de sa condition. Grâce à mon grand âge, je me flatte de savoir lire un homme plus clairement. Je ne vois pas d'objection à ce que Patrocle soit ton compagnon.

[...]

Au moment où nous nous remettions debout tous les deux, je pris la parole d'un ton hésitant.

- Je veux juste...

Mes doigts s'agitèrent en direction de Chiron. Comprenant mes intentions, Achille disparut à l'intérieur.

- Si je dois causer des problèmes, je partirai.

Il y eut un long silence, si long que j'étais sur le point de penser qu'il ne m'avait pas entendu.

- N'abandonne pas si facilement ce que tu as gagné, finit-il par répondre.


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